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JUNG : Archétype du Vieux sage et le Philosophe en méditation de Rembrandt

  • Photo du rédacteur: Fabrice LAUDRIN
    Fabrice LAUDRIN
  • 6 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 févr.






Il y a des voix qu’on n’entend pas tout de suite. Celles qui ne crient pas, qui ne donnent pas d’ordres, mais qui résonnent en sourdine, attendant qu’on soit prêt à les écouter. Elles murmurent dans un coin de la psyché, discrètes mais constantes, comme une présence qui sait sans imposer.


Jung appelle ça le Vieux Sage. Pas un vieillard grisonnant qui ressasse son passé, pas un prophète qui dicte des vérités absolues. Le Vieux Sage est un archétype, une figure qui traverse les mythes, les religions, les contes. Il est celui qui détient un savoir profond, mais qui n’éclaire qu’une partie du chemin.


Rembrandt l’a compris bien avant Jung. Dans son Philosophe en méditation (1632), il ne peint pas un penseur flamboyant, pas un homme assis sur des piles de livres en pleine démonstration magistrale. Il peint l’intériorité, la solitude du savoir, ce moment où l’on comprend que toute vérité est partielle.


C’est tout le paradoxe du Vieux Sage : il sait, mais il ne dit pas tout.


Le Vieux Sage : entre guide et énigme

L’archétype du Vieux Sage, c’est le mentor, le maître, l’ermite. Il est Merlin, il est Gandalf, il est Socrate, celui qui ne donne pas de réponses, mais qui pose les bonnes questions. Il est l’ombre rassurante derrière le héros, celui qui sait ce qui va arriver, mais qui laisse l’autre faire son propre chemin.


Ce n’est pas un hasard si Jung associe souvent cet archétype au père spirituel. Pas le père autoritaire, pas celui qui impose, mais celui qui transmet en laissant l’autre s’émanciper. Un vrai Sage ne garde pas son disciple sous sa coupe : il le pousse à marcher seul.


Dans Philosophe en méditation, Rembrandt le traduit en peinture. Un vieil homme, assis dans une lumière dorée, perdu dans ses pensées. Tout autour, l’ombre domine. On ne sait pas ce qu’il pense, on ne sait pas s’il doute ou s’il a trouvé sa réponse.


Et c’est là que tout se joue : le Vieux Sage ne nous donne jamais de certitude, il nous laisse penser, réfléchir. Au risque d'être lui-même le miroir.


Pourquoi le Sage ne parle-t-il pas toujours ?

On imagine souvent le Sage comme un maître de sagesse qui distribue ses connaissances avec générosité. Mais dans la réalité, les vrais guides ne donnent jamais tout.


Jung insiste : le savoir ne doit pas être imposé, il doit être découvert. Trop de lumière aveugle. L’ombre est nécessaire pour que l’élève cherche par lui-même.


Regardez encore Philosophe en méditation. Tout est en clair-obscur. L’homme est dans un entre-deux, assis sur une frontière invisible entre ce qui est éclairé et ce qui reste dans l’ombre.

C’est exactement ce que fait un Vieux Sage : il éclaire une partie du chemin, mais il laisse des zones de mystère.


Pourquoi ? Parce qu’il sait que la vraie connaissance ne vient pas d’une leçon, mais de l’expérience.


Le Vieux Sage en nous : mentor ou tyran silencieux ?

L’archétype du Vieux Sage n’est pas qu’un personnage de conte. Il vit en nous. C’est cette voix intérieure qui parfois calme, conseille, donne du recul.


Mais attention : mal intégré, il peut devenir un poids.

Trop fort, il écrase. Il devient un idéal inaccessible, une figure de sagesse écrasante qui empêche d’agir. On attend trop, on veut atteindre une perfection impossible avant d’oser faire quoi que ce soit.

Trop faible, il se tait. On avance sans recul, sans comprendre qu’il faut parfois s’arrêter et observer avant de se précipiter.


L’individuation, ce processus qui nous pousse à devenir nous-mêmes, passe aussi par l’équilibre de ce Sage intérieur.


Rembrandt ne l’a pas peint en prophète tout-puissant. Il l’a peint seul, silencieux, en train de chercher encore.


Parce qu’être un Sage, c’est ne jamais croire qu’on a tout compris. Ni s'abstenir de la conscience de notre corps. La femme réactivant l'âtre pour le philosophe est là pour nous le rappeler. Le Sage est aussi un homme qui peut avoir froid, il n'est pas pur esprit détaché des contingences de son monde.


Écoutez-vous votre Sage ou attendez-vous qu’il parle ?

Il y a des guides qui imposent, et d’autres qui attendent. Le Vieux Sage de Jung appartient à la deuxième catégorie.


Quand vous regardez Philosophe en méditation, posez-vous la question : qu’attendez-vous pour vous sentir prêt ?

Parce que parfois, le Sage en nous ne parle pas, il attend simplement qu’on commence.


 

Bibliographie

Jung, C.G. Les archétypes et l’inconscient collectif, 1954.

Jung, C.G. Psychologie et alchimie, 1944.

Neumann, Erich. The Great Mother: An Analysis of the Archetype, 1955.

Rembrandt. Philosophe en méditation, 1632, Musée du Louvre.

Didi-Huberman, Georges. Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, 1992.


 

Notions psychanalytiques abordées

L’archétype du Vieux Sage (Jung) → Image universelle du guide, du maître, de l’ermite qui détient un savoir mais ne l’impose pas.

Le complexe du Sage intérieur → Influence psychique du Sage, qui peut être trop pesante ou au contraire trop silencieuse.

L’individuation (Jung) → Processus psychologique où l’individu doit intégrer cette sagesse sans s’y enfermer.

L’ombre et la lumière → Le Vieux Sage éclaire, mais il laisse des zones d’ombre. Trop de savoir d’un coup peut aveugler au lieu d’aider.


 

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